Épilogue

Le jeudi 1er juin, 16 h 30

Cet après-midi, j'avais rendez-vous avec le docteur Eapen qui s'est occupé de ma radiothérapie et le docteur O'Dell, le chirurgien qui m'a opéré. Le docteur Eapen a pu constater que mes plaies étaient guéries puis il a palpé mon cou pour voir si j'avais des ganglions. Dieu merci, je n'en ai pas. Je devrai le voir à tous les trois mois pour me faire examiner. On prendra aussi des radiographies de mes poumons aux six mois. Il m'a demandé si je pouvais avaler et si je prenais des médicaments pour la douleur. Il a eu l'air surpris quand je lui ai dit que je n'ai jamais eu de problèmes à ce niveau (sauf quand j'ai eu des ulcères sur la langue, ce qui n'avait rien à voir avec la gorge). Après, j'ai rencontré le docteur O'Dell qui voulait simplement savoir comment je me débrouillais depuis la fin de mes traitements. Quand je lui ai dit que ça faisait deux semaines que je ne me branchais plus à la pompe, il m'a dit de prendre rendez-vous à sa clinique pour faire enlever mon tube. Ensuite, je lui ai posé quelques questions, à savoir si je tousserais toujours autant de sécrétions. Il m'a dit que c'était causé par les radiations, alors il m'a conseillé de toujours garder mon orifice humide. Je lui ai finalement demandé si je pouvais manger des chips comme des Dorritos. Il s'est mis à rire en me disant qu'il se souvenait de ma préoccupation pour la bouffe. Il m'a répondu que je pouvais manger tout ce que je voulais, qu'à partir de maintenant, ma vie reprenait son cours. Les deux médecins m'ont dit que j'étais passé au travers de tout ça remarquablement bien. Le docteur O'Dell est d'avis que je le dois à ma bonne volonté et mon attitude positive. Il m'a d'ailleurs invité à aller faire une visite à l'hôpital, semble-t-il que les infirmières s'informent à mon sujet. Ça m'a fait un velours. J'irai certainement les voir.

Six mois déjà se sont écoulés depuis le terrible diagnostic. Il y eut ensuite l'opération puis les traitements et j'en suis maintenant à me remonter lentement de cette épreuve. J'y ai laissé des plumes mais malgré tout, je m'en suis tiré assez bien. À chacune des étapes, les intervenants m'ont brossé un tableau noir (mais réaliste, il faut le dire) de tout ce qui risquait de m'arriver. J'ai déjoué la plupart de leurs statistiques.  Je ne serais pas parvenu à tout surmonter sans le support indéfectible d'Isabelle et de mes deux filles, Laurence et Roxane. Elles ont été et sont encore très courageuses face à ma maladie. Jamais je ne pourrai l'oublier. J'aimerais aussi remercier toute ma famille, mes amis et collègues, tous ceux qui m'ont soutenu et qui ont prié pour moi depuis le début. Tous les messages que j'ai reçus ont été pour moi d'un grand réconfort.

Je pourrais continuer à écrire, à parler de mes émotions mais je ne crois pas que ce serait utile. Il est temps pour moi de me concentrer sur ma guérison, sur mon retour à la vie. Alors voilà, ce n'est pas sans un pincement au coeur que je ferme le livre dans lequel j'ai décrit toute mon expérience. Ce n'est pas la fin toutefois. J'espère sincèrement qu'on continuera à m'écrire, j'ai encore besoin de votre appui. Il me fera grand plaisir de vous dire où j'en suis si vous me le demandez.

À bientôt!


Voici un extrait du premier message de mon correspondant que la Société canadienne du cancer m'a présenté.

... Est-ce que j'ai la déprime? Non, jamais! Quand tu escalades une montagne, tu dois regarder en haut, pas en bas.

Je crois qu'il y a certaines choses qu'il faut que tu saches. Je crois que le corps peut guérir. Je crois aussi que je suis un survivant. Ceci étant dit, je pourrai faire avec tout ce qui arrivera. Si tu as l'intelligence pour être un directeur d'école, je suis certain que ton cerveau fonctionne au moins aussi bien que le mien et que tu seras aussi capable de faire avec ton nouveau futur.

... il est impossible de changer le passé, tu peux seulement changer le futur. Il n'y a pas de doutes que ta vie sera différente dans le futur mais elle ne sera pas nécessairement plus difficile.

J'étais déterminé à vivre une "vie normale" après mon opération. Certainement que c'est différent. J'ai continué à travailler comme comptable et pour ce faire, je rencontre des représentant du Ministère du Revenu, je rencontre des banquiers et bien sûr, des clients. Je passe du tiers à la moitié de mon temps au téléphone. Je parle littéralement toute la journée, tous les jours.

En plus, je suis retourné à l'université il y a trois ans et j'ai depuis complété un certificat en éducation. Je vais graduer le mois prochain. Aussi, je suis volontaire pour la Société du cancer et l'Association d'épilepsie, je suis Grand Frère pour un élève de 4e année d'une école locale et je suis membre du conseil d'un groupe de théâtre à but non lucratif d'Edmonton (Catalyst Theatre).

Et j'ai seulement 71 ans, encore jeune en tous points.

Il y a des choses qui sont certainement différentes. Je dois manger plus lentement, ce qui n'est pas une mauvaise chose. Parce que j'utilise mon oesophage pour parler, je suis sans voix si j'ai des émotions (colère, rire, peur, etc.), ma voix s'en va...

Bien sûr, je ne vais pas nager bien que je suis allé dans un spa. Et j'écoute beaucoup plus que je ne le faisais. Je ne fais plus un fou de moi aussi souvent.

Souviens-toi de danser comme si personne ne regardait!

...D.C.

Mon correspondant s'est fait opéré le lundi 4 octobre 1988 après avoir suivi une radiothérapie infructueuse trois mois auparavant.